Le mariage est toujours un engagement devant l’autre, devant soi-même, devant les hommes et la société. Il est un choix libre et un consentement mutuel aujourd’hui : c’est un fait. Mais lorsqu’un couple fait ce choix, engageant ainsi tout son avenir, en mesure -t’ il bien le sens et la portée ? Avec l’allongement de l’espérance de vie, cela peut représenter jusqu’à plus de 60 ans de vie commune (et d’amour) avec cet unique autrui ! 60 années ou plus de communauté familiale, est-ce même raisonnable de croire cela possible aujourd’hui, alors que tout change si vite, même dans ses désirs, aspirations, projets, contraintes ? N’est-ce pas même, pour un esprit lucide, utopique ?
Qui peut raisonnablement s’engager dans un tel contrat pour une période aussi longue alors que sa vie d’adulte et son parcours professionnel n’en sont qu’à leurs débuts ? C‘est bien parce-que cet engagement est irréaliste que le divorce a été institué et voilà qu’il va bientôt égaler annuellement le nombre de mariages, au point que la seconde institution annule quasiment la première ou l’équilibre ! Cet engagement dans le mariage est, selon moi, un vœu pieu, certes porteur d’un idéal en soi, mais ne correspondant pas vraiment à la réalité de ce que vit le couple moderne qui s’y soumet. Anthropologiquement, tout est en train de se modifier, si bien que les modèles de référence depuis celui des origines, puis ceux des traditions ancestrales, ceux établis par les religions, et même ceux s’appuyant sur des lois familiales strictement définies, précédant ou succédant l’époque Napoléonienne, ne tiennent plus face à l’explosion des mœurs nouvelles contemporaines et à leur déferlante sociétale.
Alors, qu’en conclure et qu’espérer pour l’humanité, demain ?
D’abord, faire un état des lieux sur la juxtaposition des divers modes de vie existants et sur la diversité des cellules familiales. Ensuite, accepter que celles-ci naissent de facto à la manière dont chacun les conçoivent ou les perçoivent, accepter les décompositions et recompositions des ménages et protéger toutes les unions consensuelles au nom de la démocratie. Mais le plus important est d’éduquer et d’informer les jeunes exposés à tous les risques liés à la vie affective du couple marié, ce qui n’est pas fait officiellement hélas. En clair, donner à chacun les outils pour s’armer face aux aléas de ce que l’on désigne par : vie conjugale !
Tout comme les aléas professionnels de ce monde, accrus par la mondialisation, ont aussi évolué en parallèle les aléas du couple marié et probabilités quant à sa durée, considérablement remise en question en raison de nouveaux facteurs déterminants de risque et de consensus en vogue qui les impactent, ainsi déclinés en 8 points :
- L’émancipation de la femme et sa plus grande autonomie au sein de la société et dans son couple.
- Le besoin de réussir son épanouissement personnel et de ne plus accepter toute forme de domination – l’adéquation conjugale n’en devient dès lors que plus difficile, une vie de couple durant.
- L’affirmation harcelante de l’égalité et de la parité républicaine appliquée au ménage (depuis qu’on a dérobé au mari sa responsabilité de chef de famille).
- L’exercice de la coparentalité qui introduit un nouvel obstacle ou frein dans les prises de décisions concernant les choix primordiaux au sein de la famille.
- La lassitude dans la relation aimante et les habitudes usantes due à la nouvelle longévité du couple avec l’allongement de la vie.
Les effets pervers du « tout maintenant », annihilant toute vertu de patience, rendant l’attente insupportable et générant la frustration.
La sexualité envahissante et l’inadéquation des désirs au sein même du couple sur la façon de faire l’amour et sur la procréation, face aux ouvertures contemporaines.
Le pouvoir et la maturité précoce des enfants qui conduisent à des conflits parentaux et de générations.
Quand on voit ainsi démarqués ces grands thèmes potentiellement conflictuels et qui donc peuvent conduire un couple marié à sa perte, on se dit que le mariage est un engagement bien trop à risque et qu’il vaudrait bien mieux songer à s’en écarter, dès le départ, et tout compte fait, ne pas s’engager dans cette voie.
On croit trouver en se mariant le partenaire idéal or celui-ci ne le sera probablement que pour un temps. En effet, notre modèle de société individualiste ne permet plus justement aux individus de surmonter dans la sérénité les crises qui se présentent selon ces 8 points d’achoppement décrits plus haut. Alors les piliers du mariage s’effondrent dans la tourmente. Le mariage devient impuissant et inefficient et la rupture s’annonce à l’horizon ; la liberté, fruit de la démocratie, reprend tous ses droits. Et l’on sait d’avance que tout couple aura à résoudre au fil de sa vie conjugale au moins l’un des problèmes énoncés dans ces 8 points cités. Qui peut prétendre (sans être jugé prétentieux) être assez fort, qu’il soit homme ou femme (et qui plus est, il faut que les deux conjoints le soient en même temps, ce qui complique la solution !) pour ne pas « craquer » une fois ?
Dans notre société ou l’égo est au centre des préoccupations d’une grande majorité de personnes et où l’effort du compromis passe au second plan, comment tenir de belles promesses avalisées par une signature d’un jour sur un registre officiel, civil ou religieux, pour toute leur vie de couple, tel que cela est attendu des contractants ? Le pourcentage de ceux qui s’acharneront à tenir et le feront deviendra de plus en plus insignifiant ! Rendez-vous donc dans un demi-siècle…
Tous auront devant eux l’exemple se développant de couples remariés et heureux ; de familles recomposées et heureuses également.
Doit-on évoluer vers une double conjugalité (si ce n’est triple) au fil de son existence : connaître une première famille fondatrice, puis renaître au cœur d’une famille recomposée ? L’allongement de la durée de vie semble donner raison, de plus en plus, à ce mode de temporalités con jugales variées. L’homme (principalement le mâle) est par essence un animal polygame et c’est cette polygamie naturelle (qui se confirmait déjà hélas avec la multiplication des adultères) mais qui, exercée non plus en simultané (car jugée immorale par la société) mais par étapes, devient cette fois toute légale et de ce fait reprend ses droits !
Et cela est devenu comme une norme honorable et respectable. Ces unions successives possibles libèrent l’homme du souci de l’engagement car à quoi servirait de l’obliger à cohabiter avec quelqu’un devenu un(e) ennemi (e) en son foyer ; quel plaisir ?
Voilà pourquoi l’indissolubilité du mariage me fait sourire. Ce dogme ne correspond plus aux souhaits des humains qui veulent bien entrer dans un état, un statut, mais veulent s’assurer de pouvoir en sortir si rien ne va plus !! (C’est peut-être aussi ce besoin nouveau et intégré dans la société que de vouloir être assuré pour tout, qui fait défaut au statut marital et qui constitue sans-doute l’une des principales raisons de ce siècle à moins vouloir s’engager dans un mariage). L’indissolubilité, aux jeunes humains, apparaît dès lors comme quelque-chose de très inhumain…qu’on voudrait leur faire « avaler » au même titre que la fidélité ou l’assistance au conjoint.
Mais n’est-il pas plus sage alors de ne pas céder à la tentation du mariage pour ne plus avoir à subir ses conséquences néfastes et de tous ces maux nouveaux qu’il risque d’apporter aujourd’hui aux nouveaux époux, déjà perceptibles en occident en ce début de 21ème siècle ? Les jeunes doivent beaucoup y réfléchir et attendre bien des années avant de décider de se marier… car les droits que confère le mariage (qu’il soit pour tous ou pas pour tous !) leur seront moins complaisants un jour ! Car, bien que conçus pour défendre le couple et la famille, ils se retournent inéluctablement contre les individus au moment de la séparation, et les contractants d’une fois l’apprennent alors à leurs dépens, face à un tribunal !
Mieux vaut donc anticiper et éviter de souffrir comme cela et s’éloigner définitivement du mariage et de son esprit préjudiciable envers l’homme (ou la femme), individu et personne autonome, qui ne peut en aucun cas fusionner avec un autre ni former une seule chair ! L’homme reste unique, lui-même, libre, marié ou pas, et le mariage tel qu’il a été conçu, ne sert qu’à le dénaturer.
DEMOCRATE